Beaucoup d’entreprises rencontrent un jour ou l’autre une situation de « crise » au sein de leur équipe : tensions interpersonnelles, manque de communication et dysfonctionnements ont atteint un seuil critique, avec pour conséquences une importante perte d’efficacité individuelle et collective, et des souffrances relationnelles parfois aigües pour les individus. Face à de telles situations, les dirigeants peuvent se sentir dépassés et impuissants. L’ approche systémique permet alors d’éviter l’impasse de la recherche de coupables et de sortir de la crise en impliquant tous les acteurs de façon responsable et constructive.
L’histoire d’un manager « tout-puissant » et d’une équipe en souffrance…
Pour commencer, laissez-moi vous raconter une petite histoire d’approche systémique dans laquelle certains d’entre vous reconnaîtront peut-être des moments vécus dans leur vie professionnelle.
Je fus un jour sollicité par un dirigeant qui se sentait totalement démuni face à une situation devenue véritablement inquiétante pour son entreprise : il venait de découvrir, quasiment fortuitement et de façon assez brutale, que le brillant manager à qui il avait confié depuis 7 ans la direction de deux de ses agences immobilières était redouté, voire même détesté, par une grande partie des 12 salariés qu’il avait sous sa responsabilité.
A la faveur d’une absence prolongée du manager (en arrêt de travail suite à une opération), son remplaçant par intérim avait involontairement ouvert « la boîte de Pandore » au cours d’une réunion d’équipe, en demandant à chacun de proposer des pistes d’amélioration pour développer la collaboration entre les deux agences. Les collaborateurs avaient saisi cette opportunité pour exprimer un immense flot de stress et de démotivation, et leur angoisse à l’approche du retour de leur manager habituel.
Le tableau dressé par une partie de l’équipe faisait état d’un management autoritariste souvent ressenti comme « arbitraire », et d’attitudes inappropriées relevant du harcèlement moral. Les membres de l’équipe avaient des perceptions différentes mais s’accordaient tous sur le sentiment de subir une pression excessive. Ils avaient tenté à quelques reprises par le passé d’alerter la direction générale de l’entreprise, qui à l’époque n’avait pas pris la mesure de leur désarroi et avait soutenu le manager, puis avait tenté une forme de médiation interne, sans grand succès.
Cet événement venait éclairer d’un jour nouveau la difficulté de ces deux agences à atteindre leurs objectifs commerciaux, et le turn-over élevé observé ces cinq dernières années au sein des deux équipes.
L’ approche systémique et le diagnostic d’équipe
Face à cette situation très tendue qui apparaissait bloquée, j’ai proposé au dirigeant de l’entreprise de réaliser une analyse systémique de l’équipe. C’est un diagnostic destiné à identifier les « boucles de fonctionnement » récurrentes dans les interactions entre les membres du groupe, pour faire apparaître les « éléments déclencheurs » et les « comportements induits » contribuant à une situation dysfonctionnelle.
Après avoir établi le cadre de mon intervention, j’ai donc réalisé un entretien individuel avec chaque membre de l’équipe, puis avec la direction et le manager impliqué. Ces entretiens « semi-guidés » ont permis de faire apparaître les constantes « pathogènes ».
Par exemple, lorsque le manager constatait que les résultats mensuels n’étaient pas conformes aux objectifs fixés par la direction, il entrait en tension et cela se manifestait par une pluie d’emails et d’appels intempestifs vis-à-vis des membres de l’équipe, par des remarques cinglantes, voire humiliantes à leur égard, ou par des demandes soudaines, assorties de délais intenables. Il en résultait pour l’équipe un niveau de stress élevé, une attitude défensive ou fuyante, et une perte d’efficacité, contraires à l’effet attendu.
Ces entretiens ont également montré les points d’appuis positifs pouvant soutenir la démarche de changement souhaitée. Par exemple, le fait que les compétences techniques et la créativité du manager étaient unanimement reconnus par les collaborateurs ; ou encore, le fait que ces derniers faisaient preuve d’une véritable volonté de travailler ensemble et d’atteindre les objectifs fixés, non remis en question en tant que tels.
Ce travail d’identification préalable des boucles négatives et des points d’appui positifs permet ensuite d’agir à la source – soit sur les déclencheurs, soit sur les fonctionnements réactifs en place – pour évoluer de la situation actuelle (vécue comme négative) vers une nouvelle situation, compatible avec les objectifs de l’entreprise et les aspirations de ses membres.
Sortie de crise !
Ces échanges eurent d’abord pour effet de libérer la parole, en permettant aux ressentis authentiques des différents acteurs de s’exprimer. Mais ils ont aussi déclenché chez eux une réflexion et une prise de recul sur la situation.
Ils ont ensuite fait l’objet d’une triple restitution :
- à la direction, d’abord (commanditaire du diagnostic), pour lui donner une vision claire de la situation et des scenarios de sortie de crise possibles
- au manager impliqué, ensuite, pour lui permettre de prendre du recul, d’exprimer ses souhaits pour la suite et de proposer un plan d’action cohérent
- à l’équipe, enfin, pour manifester la prise en compte effective de la situation et lui faire part des décisions prises et des actions d’améliorations envisagées
Cette étape a été vécue comme un véritable soulagement par l’équipe, qui s’est enfin sentie reconnue et prise en compte dans sa souffrance. Elle a aussi permis que chacun identifie sa part de responsabilité dans la situation actuelle, le but n’étant pas de « stigmatiser » des personnes mais bien de mettre à jour des fonctionnements pathogènes.
Parmi les scénarios d’évolution évoqués avec la direction et le manager, l’un consistait pour ce dernier à « reconquérir la confiance » de l’équipe en mettant en œuvre des changements significatifs dans son mode de management, et l’autre impliquait une mobilité (interne ou externe) de sa part.
Il fit le choix de quitter l’entreprise, dans un délai convenu et selon des conditions négociées sereinement dans le respect des intérêts de chacun. Cette décision était celle qui semblait la plus cohérente à tous, et elle permit à l’équipe des deux agences de retrouver la sérénité et de repartir sur de bonnes bases avec un nouveau manager.
Les ressorts de l’approche systémique
Dans cette situation comme dans beaucoup d’autres, voici quelles sont à mon sens les spécificités de l’approche systémique qui contribuent à son efficacité :
- Révéler des éléments invisibles mais structurants :
L’ approche systémique met en lumière les interactions entre les personnes, boucles et schémas de fonctionnement récurrents (déclencheurs, effets et conséquences)
- Favoriser la responsabilisation des acteurs :
Elle agit sur la prise de conscience et fait apparaître la part de responsabilité de chacun, tout en (re)donnant du choix aux différents acteurs
- Être orientée recherche de solutions plutôt que de coupables :
Elle ne cherche pas à découvrir les coupables ni à décortiquer les causes, mais à identifier les différents moyens possibles d’évoluer vers une meilleure situation
- Ouvrir de nouvelles perspectives et mettre le système en mouvement :
Enfin, l’ approche systémique amorce le changement et invite à créer des « boucles de réussite » en lieu et place des « boucles négatives » identifiées, en mobilisant l’ensemble des acteurs dans ce sens !
Vous aussi, vous aimeriez sortir d’une situation difficile au sein de votre équipe ? N’hésitez pas à me solliciter pour échanger sur votre situation et envisager les différentes solutions possibles.
Philippe Gaillard – Spécialiste Coaching Individuel de Managers et Cadres Dirigeants
Coach professionnel, conseil en organisation et stratégies de changement, superviseur de coachs.
Philippe Gaillard accompagne depuis 15 ans les dirigeants, les équipes et les organisations dans les changements culturels, organisationnels et relationnels. Il est membre associé SFCOACH (Société Française de Coaching) et PSF (Professional Supervisors Federation) et applique la déontologie de la SF Coach.