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Pour finaliser cette série d’articles et amplifier l’opportunité que représente le lien maître/chien dans les attitudes managériales, attachons-nous à deux signaux essentiels à cette relation aussi complexe que précieuse : le respect de la hiérarchie et la qualité des renforcements. Et voyons ensemble les bénéfices que nous pouvons en retirer à l’aide d’exemples concrets. Bonne lecture !
Le respect de la hiérarchie
Nous avons vu ensemble dans le précédent article la question du rapport à l’autorité inhérent au lien maître/chien. Attardons-nous maintenant sur le second signal que l’on observe dans cette relation duelle, à savoir le respect de la hiérarchie au sein du système homme/chien.
La soumission dans le monde animal est synonyme de reconnaissance de sa spécificité sociale, d’un mode de vie stable et sécurisé, du respect de l’animal, également de l’inhibition de l’agressivité.
En effet, la notion de ‘’perdant’’ est une notion purement humaine, qui n’existe pas chez le chien.
Paradoxalement, c’est bien en frustrant le chien que l’humain peut contrôler le relation avec lui. Et toute interférence du maître dans la hiérarchie naturellement existante s’avère déstabilisante pour le chien et peut générer des tensions et des attitudes agressives.
Reconnaître la position de chaque sujet dans la dite hiérarchie est réconfortant et facteur de stabilité.
Dans le cas contraire, la régulation au sein du groupe va compenser – parfois jusqu’à des pulsions de mort – ce que l’humain ne respecte pas, ou ne peut émotionnellement respecter.
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Lors d’une séance de coaching, l’un de mes clients expose l’agressivité de ses trois chiens les envers les autres. Et surtout deux d’entre eux vis-à-vis du troisième. Il m’explique que le chien concerné est en fait ‘’son chien’’ à lui, qu’il y est particulièrement attaché, et que les deux autres, plus jeunes et tempétueux, sont ceux de sa compagne. Avec son chien, plus âgé donc, notre client a maintenu des rituels et des habitudes liés à la vie de célibataire précédente.
Après un questionnement poussé, nous constatons que la hiérarchie qui s’est établie naturellement entre les trois chiens au moment de la recomposition du foyer n’est d’évidence pas respectée.
Le dominant, l’un des deux jeunes chiens, n’est donc pas respecté ni reconnu dans son rôle. Par conséquent, il le fait savoir et régule par de l’agressivité, tentant de soumettre et de compenser l’interférence du maitreauprès du chien ‘’agressé’’.
Professionnellement, le client en question est à la tête d’une équipe de 10 personnes, issue de la fusion de deux groupes. Vous l’aurez probablement compris, notre homme était à la tête de l’une des deux entités avant la fusion en question.
Au fil des années, il a établi avec ses collaborateurs historiques des liens suffisamment forts pour perdurer de manière clanique au sein de sa nouvelle formation.
Il ne comprenait pas ce qu’il y avait d’irrespectueux vis-à-vis des nouveaux membres de son équipe. Ces derniers se sont sentis rejetés et non reconnus, allant jusqu’à provoquer des clashs importants en réunion d’équipe et mettre en cause la légitimité de certains de leurs collègues.
Ce parallèle entre les deux situations a permis de trouver les clefs pour générer une prise de conscience du coaché sur sa manière de manager son équipe, sur une lecture de la nature des interactions au sein de son groupe et des nouveaux comportements à adopter dans le but de restaurer un cadre structurant et positif, prenant en compte, par exemple, la place raisonnée et le rôle de chacun.
La qualité des renforcements
Le troisième et dernier signal que nous allons aborder est relatif à la justesse des réponses humaines apportées aux comportements canins. Nous parlons alors de ‘’renforcement’’, c’est-à-dire de ‘’validation’’ des actions observées. En d’autres termes, il s’agit de signes de reconnaissance, qu’ils soient positifs ou négatifs.
Rappelez-vous que la perception temporelle du chien est limitée à l’action. C’est pourquoi le renforcement est toujours associé à l’acte dans l’instant, et surtout – dans l’idéal – proportionnellement adapté.
Il s’agit alors de ‘’valider’’ ou ‘’d’invalider’’ le comportement mis en œuvre par le chien. C’est une sanction positive ou négative.
Lorsque le maître ne sanctionne pas, les critères sociaux ne sont pas respectés.
Lorsque le maître sanctionne dans un cadre temporel inadéquat, on assiste alors à un comportement adaptatif et d’inhibition de l’animal, pouvant conduire à la dépression.
C’est au maître de s’adapter à l’animal, à ses critères sociaux, à son type d’intelligence.
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Prenons un exemple de l’importance de la justesse de la sanction.
Mon chien attrape mes chaussures régulièrement pour les emmener dans le jardin. Pour récupérer mes chaussures, je joue avec lui. J’en vois certains sourire, et je les comprends. Parce qu’ils ont compris, sans doute. Ici, je renforce l’acte du chien – chaparder les chaussures – comme un acte autorisé et plaisant pour l’humain, puisque je joue avec lui.
Peut-être que si je l’avais ignoré, il se serait arrêté. Peut-être…
Les réponses non adaptées de manière récurrente génèrent des pathologies chez l’animal. Mais aussi chez l’humain.
Lorsqu’un coaché me parle de son chien qui fugue de plus en plus et revient de moins en moins, je le questionne.
J’apprends alors que, lorsque son chien rentre après plusieurs heures de fugue, il le sanctionne durementen le privant de nourriture et en le mettant à l’attache.
C’est une sanction juste pour lui, humain. Par cette sanction, il souhaite lui faire prendre conscience de son erreur, toujours dans un cadre de référence humain, donc non adapté.
Dans ce cas, le renforcement est inadapté car l’animal associe cette sanction à son retour au domicile, et non à sa fugue. Le chien désormais craint de rentrer au domicile, et peut développer un comportement dépressif.
Un renforcement adéquat serait de le sanctionner, en flagrant délit de fugue.
Mais, me direz-vous, comment établir un lien avec l’entreprise ?
Le même coaché me parle de remontées négatives de son équipe à sa DRH, sur le manque de reconnaissance qu’il porterait au travail de ses collaborateurs, et aux personnes en général.
Il m’explique alors que, par manque de temps, le seul bilan personnel qu’il effectue avec ses équipes, c’estune fois par an. A cette occasion, il pointe toutes les erreurs de l’année, entre 12 mois et la veille.
Le parallèle entre les deux situations a suffi à mon coaché pour prendre conscience de son indispensable adaptation aux besoins de reconnaissance – positive ou négative – de son équipe, dans l’instant.
Dès lors, peut-être que ses collaborateurs ne fugueront plus chez le concurrent…
Un autre cas concret
Un directeur opérationnel me rapporte des jeux de pouvoir toxiques et nuisibles au sein de son équipe de managers. Les managers en question n’ont pas les mêmes prérogatives ni le même positionnement au sein de l’organisation.
Il essaie tant bien que mal de ménager les uns et les autres, car tous sont compétents et indispensables selon lui. Il ne comprend pas et n’arrive pas à changer la situation. Il fait pourtant tout ce qu’il peut.
A la maison, il a deux chiens, d’âges différents. Le mâle, âgé de 5 ans, est son chien. La femelle, 6 ans, est celle de madame. Le couple est ‘’recomposé’’, sans enfant. Ils se sont rencontrés quatre années auparavant et ont emménagés ensemble avec leur chien respectif il y a deux ans.
Après un entretien exploratoire approfondi, il s’avère que l’environnement social est instable.
Les critères sociaux des chiens sont sans cesse confrontés. En effet, chaque chien jouit d’une organisation différente de l’autre.
Monsieur, privilégiant la relation au sein de son couple, ne souhaite pas intervenir auprès de la chienne de sa compagne, même lorsque celle-ci se comporte mal – uniquement avec lui – et manifeste des grognements ou encore un refus d’obéissance. Le chien de Monsieur, quant à lui, est calme et plutôt soumis.
Après quelques explications éthologiques sur le fonctionnement d’une meute ainsi constituée – et les critères essentiels à respecter pour que tout se passe bien -, le couple comprend que certaines règles doivent être mises en œuvre et, surtout, appliquées et respectées par les deux parties concernées. Ils sont chefs de meute à deux.
Monsieur fait rapidement le parallèle avec son équipe, et identifie la nécessité de repositionner chacun dans le groupe, de constituer un cadre, des rituels, et de définir clairement les rôles et missions de chacun.
Il comprend que son implication est nécessaire en tant que manager, comme en tant que chef de meute.
Voilà comment le comportementalisme peut clairement aider dans la résolution de situations de coachings. C’est à la fois un éclairage, un décentrage, un détour, un révélateur, et une passerelle en conscience vers l’entreprise. Bien sûr, ce travail est possible avec un questionnement exploratoire précis, favorisant un effet miroir. A la fois sur la situation qui pose problème, mais aussi sur la personne, ses émotions, ses défenses, ses croyances… Un travail introspectif indispensable, mené de manière professionnelle, et souvent salutaire.
Philippe Gaillard – Spécialiste Coaching Individuel de Managers et Cadres Dirigeants
Coach professionnel, conseil en organisation et stratégies de changement, superviseur de coachs.
Philippe Gaillard, Coach professionnel, conseil en organisation et stratégies de changement, et superviseur de coachs accompagne depuis 2003 les dirigeants, les équipes et les organisations dans les changements culturels, organisationnels et relationnels. Philippe Gaillard est membre associé SFCOACH (Société Française de Coaching) et EMCC (European Mentoring and Coaching Council).